IV - SOMETHING IS NOT RIGHT WITH ME
• Situation n°2 ;
Un camarade vous a joué un mauvais tour. En effet, celui-ci a fait vos louanges auprès du principal, Sir Abbott Hainsworth. Les larmes aux yeux, ce dernier a décidé que vous devriez faire un discours de bienvenue devant tous les élèves de Queensberry. Bien joué !
Lolita réprima une furieuse envie de vomir. Les cérémonies de ce genre lui avait toujours fait cet effet là. Honnêtement, elle n'avait aucune envie qu'on lui souhaite la bienvenue et ce même si c'était sa première année au sein de ce merveilleux établissement. Elle voyait le tableau d'ici : un vieux schnock sorti de sa bibliothèque poussiéreuse les assommerait pendant quatre heures et demie de recommandations, de louanges sur l'école et d'interdictions de jouer avec la nourriture. Tandis que la plupart de ses congénères étaient débout, les yeux rivés vers l'estrade vide comme s'ils attendaient le messie, la jeune fille s'était allongée sur un meuble bas, légèrement cachée par l'obscurité au fond de la pièce. Comme prévu, le vieux schnok, enfin le directeur de l'établissement, ne tarda pas à faire son entrée sous une salve d'applaudissements polis. Lolita, pleine de bonne volonté, frappa violemment le bois ancien du superbe secrétaire sur lequel elle était allongée avec ses Converse Deluxe Limited Edition afin de les accompagner.
« Mes chers enfants, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à Queensberry. »
Voilà qu'il versait dans le paternalisme. Affligeant. Le discours promettait d'être captivant.
« J'ai pour habitude de vous faire part de mon discours habituel - d'ailleurs les fiches de l'année dernière sont encore dans mon vieux tweed ahahah - Hum. Cependant, cette année, un élève m'a fait une suggestion tout à fait intéressante. Je crois que je devrais vous laisser la parole à vous, élèves de Queensberry, ou en tout cas à l'un d'entre vous. Après tout, vous êtes les premiers concernés et je suis persuadé que s'il n'atteindra probablement pas ma propre virtuosité en ce qui concerne le discours public, notre cher petit saura se montrer touchant et ses paroles nous iront droit au cœur. »
Là, sans ironie aucune, ça devenait vraiment intéressant. La petite brune se releva et dévisagea le principal, visiblement fier de lui.
« Oh oui mec tu fais preuve d'originalité et de tolérance. En plus t'es vachement sexy. »
Plusieurs adolescents normaux se retournèrent, visiblement outrés. C'était qui cette fille bizarre, avec sa robe indécente et ses cheveux pas coiffés qui osait briser ce moment magique ? Lolita s'excusa dans un geste théâtral et ils se retournèrent enfin, persuadés de l'avoir bien remise à sa place cette petite impertinente. Elle attendait maintenant presque avec impatience la tête de turc qui avait été désignée pour prendre la parole. Parlerait-il de la paix entre les hommes ? Du réchauffement climatique ? Des bébés chatons ? Hainsworth faisait durer le suspense, c'était son heure de gloire après tout. Il n'aurait probablement plus aucune utilité jusqu'à la fin de l'année.
« Cette année, c'est une petite nouvelle que nous avons décidé d'écouter. Elle a préparé un petit discours pour l'occasion sur le thème de l'amitié entre les espèces. N'est-ce pas tout à fait approprié ? »
A cet instant précis, Lolita ne pu s'empêcher de glousser comme une dinde : ils avaient affaire à une cruche de première catégorie pour le coup.
« Elle nous vient d'un charmant village nommé Burnham Thorpe, elle a quinze ans et demi et c'est sa première année à Queensberry. »
Pour le coup, Lolita hallucinait. Il y avait une chance sur un million pour qu'elle ne soit pas la seule élève en provenance de ce trou. Sans compter cet abruti de Léopold bien sur, mais lui, c'était même pas un être humain. Pas un vampire non plus, juste une erreur de la nature. En plus la pauvre ne releverait probablement pas le prestige de leur petite bourgade.
« Je vous demande d'accueillir chaleureusement Lolita Wyman. »
Son cœur rata un battement. Voilà qu'elle se trouvait dans une mauvaise série télé ou dans un de ses cauchemars les plus flippants. Il ne manquait plus que le costume à paillettes à leur principal pour que la grande salle se transforme en plateau de télé-réalité où elle s'apprêterait à faire des révélations sur ses préférences sexuelles. Elle ne voulait simplement pas y croire. La jeune fille ne tarda pas à se faire tirer par la manche par une espèce de vieux débris qui toisait ses jambes nues de manière peu orthodoxe. En moins de deux, elle se retrouvait sur une estrade devant une salle remplie d'adolescents rigolards et prêts à lui lancer des pierres au moindre bégaiement. Au premier rang, elle eu la mauvaise surprise de découvrir le sourire mesquin de Leopold Kallaghan Swyter alias le gars frustré par un râteau remontant à l'école primaire. Ce mec appliquait un peu trop bien l'expression "La vengeance est un plat qui se mange froid". Elle resta un long moment silencieuse, essayant de ne pas prêter attention aux sourires encourageants du principal, puis se lança avec la conviction que tout cela n'était qu'un mauvais rêve et qu'elle se réveillerait d'un moment à l'autre.
« Ouais heu ... salut. »
Première vague de gloussements. Y'avait pas à dire, Lolita avait affaire à des gens spirituels.
« L'amitié entre les espèces ... C'est ... C'est vachement bien. »
Elle marqua une pause pour laisser quelques individus manquant de se faire dessus courir rejoindre les toilettes.
« Même si entre nous, les vampires c'est has-been. J'ai toujours préféré les psychopathes schizophrènes zoophiles. Monsieur, vous pensez que l'école pourrait mettre en place un programme pour les accueillir eux aussi ? »